Bernard Marie Collet

Peinture : mise en scène et composition

Jacques-Louis David
" Le serment des Horaces "
étude géométrique de la composition



Vaste composition: 3 mètres 30 de haut sur 4 mètres 25 de large. Huile sur toile. Genre: grande peinture d'histoire. (histoire romaine)

Histoire des Horaces. VII°s avant JC Rome et Albe s’acheminent vers la guerre pour de stupides incidents de frontières, et afin d'éviter un conflit massivement destructeur, les deux royaumes avait choisi des champions pour se battre à leur place: les trois fils Horace pour Rome contre les trois fils Curiace pour Albe. Mais la situation est tragique en raison des liens affectifs entre les Horaces et les Curiaces. L'un des Horaces avait épousé Sabine, sœur des Curiaces, et Camille, sœur des Horaces, était fiancée à l'un  des Curiaces. Ainsi quelque soit l'issue du combat le malheur frappera les deux familles.

Lors du combat, deux des Horaces sont tués, les trois Curiaces sont blessés. Les Albins semblent assurés de leur victoire. Cependant le dernier Romain Horace n'a pas été blessé, et trop faible contre trois, il feint de prendre la fuite. Les Curiaces le poursuivent d'une course inégale, suivant la gravité de leurs blessures. Dès qu'Horace voit ses ennemis séparés, il se retourne, fond sur le plus rapproché qu'il égorge, puis il affronte et tue le second et enfin il achève le dernier. Au retour de son frère vainqueur, Camille déplore sa victoire. Horace exaspéré tue sa soeur... 

source : Tite-Live, Histoire romaine livre I, 25 et 26

(Corneille en a tiré une tragédie célèbre "Horace" 1640)

Plutôt que de peindre comme beaucoup le combat, ou le meurtre de Camille, David imagine cette scène de prestation de serment des trois frères devant leur père, combattre jusqu'à la mort pour le salut de Rome. Serment civique s'il en est !  

 

La scène se passe dans la cour intérieure dallée d'une demeure de patriciens romains.L'espace représenté est clos et parallèle au plan du tableau. Le fond obscur concentre toute l'attention sur le premier plan, sur les personnages.

Les trois arcades délimitent trois groupes de personnages, de gauche à droite : les trois frères, puis le père, enfin les trois femmes (la mère et les deux soeurs). (Werner Hofmann y voit "un tryptique inavoué")


Lignes.

Pour les hommes dominent les lignes droites, bras et jambes tendus, épées, lance.


Dans le groupe des femmes dominent les lignes courbes. Alors que les hommes, debouts dépassent de la tête la médiane horizontale, les femmes n'occupent que la moitié inférieure.

Couleurs

Les hommes sont vêtus de couleurs éclatantes, les femmes de couleurs rompues, c'est à dire dont l'éclat est atténué par l'adjonction d'un peu de sa complémentaire. Le message de David est clair. L' intérêt public (défendre la cause de Rome, le groupe des hommes) passe avant les intérêts privés (l'amour et les liens de famille, le groupe des femmes).

Lumière

On retrouve ici une lumière caravagesque car l'éclairage est latéral et violent, les parties éclairées faisant un important contraste avec le sombre du fond. Le père fait face à la source de lumière, l'axe de son regard est parallèle à celui de la limite ombre-lumière sur les arcades (un parallèle est à faire avec le tableau de Greuze).



David indique ainsi que le père est en contact avec la divinité, avec les intérêts supérieurs de la cité, (symbolisés au dessus de lui par les épées serrées dans son poing) il ne regarde plus la réalité individuelle de son amour paternel, mais l'abstraction civique de son amour patriotique.


Composition

La composition est ici une véritable transposition géométrique de ces idées. (Le point de fuite est dans la représentation de la perspective, le point vers lequel semblent se diriger dans l'espace à trois dimensions les droites parallèles.)



Ici toutes les droites, celles de l'architecture, des dalles du sol, des chapiteaux, des colonnes, des pierres des murs latéraux ont pour point de fuite la main du père, serrée sur les épées. Le bras tendu du premier frère suit la médiane horizontale. La ligne horizontale que suit son regard vers le poing du père est la ligne d'horizon. Cette horizontale est calculée selon la section d'or. Avez vous remarqué la lance posée sur le chapiteau de gauche, elle détermine avec le bord de la colonne de droite et celui du manteau rouge du père un carré parfait, symbole de la cohésion, de l'unité du groupe des hommes.




Ainsi rigueur du dessin, du rendu des volumes, de la composition et rigueur des idées vont ici de pair.

David dira de cette toile : "je dois le sujet à Corneille et mon tableau à Poussin"


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